top of page

LE TDN : Quel univers ?

Préambule : au bord du monde…

L’être qui est à l’origine de ce conte est un vieil homme qui veille au sommet d’une montagne rocailleuse. Il vit sur son promontoire au bord de l’océan comme un aigle en son aire. Il décrit ses paysages et ses personnages sans quitter l’horizon du regard. Le flot de ses paroles ne se ressasse jamais, l’action qui anime son récit ne cesse pas, il ne pause ni ne se repose.

De mémoire d’homme, il ne semble pas dormir non plus. Il offre ainsi à entendre un récit dont personne ne peut plus connaître le commencement et dont la fin est tout aussi inaccessible aux mortels.

J’eus le privilège abominable d’être admis à contempler le bord du monde avec lui un court instant de sa vie infinie. J’en profitais pour prendre quelques notes, ici grattées dans la cire, là posées sur une ardoise ou encore trempées à l’encre sur des vélins que j’avais amenés avec moi.

Si je trouve aujourd’hui ce souvenir presque insupportable, c’est que je ne pouvais moi non plus cerner le début de son histoire ni en percevoir la fin. J’ai donc commis les approximations nécessaires pour être capable de vous livrer et vous transmettre ce que j’ai pu redescendre de cette falaise abrupte et impossible en le tenant fébrilement au creux de mon ventre.

 

Au pied du monticule érigé en monument, des galets et des graals de toutes tailles blessent les pieds des voyageurs qui ont osé se risquer jusque-là. Sur le rivage on voit une cabane où sa fille, une de ses filles, veille et attend qu’il daigne la regarder enfin. Le vieux pourtant ne fixe jamais que l’horizon, encore et toujours l’horizon.

Cette femme se contente le plus souvent de toiser dédaigneusement les étrangers à leur arrivée mais prend invariablement soin de ceux qui parviennent au sommet lorsqu’ils en descendent enfin.

Elle les remet alors debout et leur offre de reposer leur tête dans sa cambrure avant que de repartir d’où ils viennent ou plus souvent, là où ils espèrent aller.

De ce lieu commun à toutes les réalités, de ce récit de tous les récits, on peut tirer quelque enseignement tout aussi commun : ce qui nous rassemble surpasse ce qui nous sépare. Ainsi depuis des générations l’humanité se rassemble autour de la même coupe alors qu’elle se disperse à la vue de la même épée. Depuis que le souvenir existe, le conte apaise l’esprit quand le silence l’effraie. La guerre et la peur, le vieux barbu les a oubliées, mais du bord du monde il les conte et les raconte en jetant à l’eau les coupes et les épées…

Les Arthuriades oui, mais lesquelles exactement ?

De multiples sources mais des choix précis vers des textes évocateurs, voilà de quelle eau de vie s’abreuve ce récit. Depuis Yvain le Chevalier au Lion (C. de Troyes) en passant par La Légende du Roi Arthur (T. Malory) et allant jusqu’à Gawain et le Chevalier Vert (JRR. Tolkien) ils sont nombreux ces récits qui nous enchantent en nous contant les péripéties des chevaliers et sujets du Roi de Bretagne.

 

Les souvenirs de nos protagonistes leurs appartiennent mais qu’il soit compris que ce qui suit est dans les mémoires de tous les êtres qui respirent l’air de la Grande Île de Bretagne…

 

A l’orée du siècle précédent, un enfant né d’un adultère est caché (volé disent certains) à la vindicte du roi Uther. Il disparaît des linges dans lesquels il était emmailloté non loin du lit de sa mère la Reine Ygraine, durant l’hiver qui suit sa naissance.

 

A peine assez âgé pour être page il est envoyé loin au sud pour que son éducation soit faite depuis l’étranger et par l’étranger. Ce regard et cette distance lui serviront toute sa vie à conserver un pas d’avance sur ses adversaires.

Lorsqu’il est tout juste homme entre l’an 410 l’an 420, il revient secrètement en Bretagne alors que de vilains drôles tels Vortigern ou Méléagant terrifient les bretons de leur tyrannie et sucent le sang du pays à sa source.

Ceux-là vivent depuis bien plus longtemps qu’il ne devrait leur être permis par la nature, mais leurs sujets savent à peine compter et l’un au sud comme l’autre au nord, ils ont l’île entière sous leur domination en coupe réglée.

Arthur est emmené par Myrdhinn auprès de l’épée dans le rocher et parvient à l’en extirper. Cependant ils n’en font aucun bruit et gardent cela secret pendant quelques lustres. Arthur va alors apprendre et comprendre les récits, les souvenirs, les rancoeurs et les rancunes, les devoirs et les honneurs…

Il restera silencieux jusqu’à ce qu’il soit capable de prendre la mesure de son héritage et qu’il décide de se révéler à ses frères bretons.

S’en suivent les guerres que l’on sait, Uther et Agravain s’étaient tant combattus qu’ils avaient ruiné le pays mais les deux despotes leur succédant tout en évitant de se combattre font au moins autant de mal. Ils n’ont pourtant plus les Romains à combattre en même temps…

La suite le monde entier la connaît. Arthur rassembla autour de son épée une fraternité nouvelle. Un cercle de Chevaliers pour la première fois de l’histoire nommés ainsi le suivit au combat contre l’un et l’autre roitelets.

 

Yvain, Lancelot, Galahad, Tristan, Perceval, Gawain, Bohort… tels sont les noms de ces compagnons que tous les poètes qui ont conté cette histoire ont au moins cités une fois…

Arthur leur montra la force des Celtes en même temps que l’esprit des Romains et ces deux trésors incompatibles mais complémentaires lui apportèrent toutes les victoires de son règne.

 

Durant l’unification de la Bretagne, une fois Vortigern et Méléagant vaincus, se lèvent quelques indigents, certes un peu plus dignes, mais hélas pour eux pas plus puissants que ses adversaires précédents. Parmi eux Loth d’Orcanie qui a déjà quatre fils.

Lancelot et Arthur réduisent à néant cette opposition avec une férocité qui engendre de la pitié dans le regard de Myrdhinn. Il sauve Gareth, le plus jeune des quatre, et l’envoie se cacher en Aquitaine comme autrefois il avait occulté le jeune Arthur du regard des Seigneurs Bretons en l’envoyant à Rome.

 

Une fois victorieux et son royaume unifié, Arthur se marie sous les auspices de tous les dieux de la Bretagne, anciens et nouveaux rites associés en une seule homélie et pourtant il n’a par la suite pas le moindre héritier, pas même un bâtard en dehors de l’enfant qu’il fait, malgré lui dit-on, à sa sœur Morgane.

Depuis son aire le Roi de Thulé raconte…

 

Le Jarl Jörel, qui régna sur Thulé, décrivit le monde féérique dont la Bretagne est l’île principale, depuis la fenêtre de sa tour, autre vieil homme, autre monument, même histoire. Sa demeure était juchée sur un récif au bout de la mer du nord, là où le septentrion change de nom.

Il expose dans ses mémoires comment l’univers tourne autour de la Table Ronde, comment les strates où s’entassent les vivants et les morts s’imbriquent les unes dans les autres depuis les enfers grecs jusqu’aux cieux chrétiens.


Les descriptions de Jörel ne sont pas d’après nature. Il envisage le monde depuis son propre domaine et ne développe pas un instant un point de vue objectif.

Il dit et conte surtout ce qu’il voit et ce qu’il ressent. Il ne livre ci-après que les secrets qu’il souhaite laisser arriver jusqu’aux humains car comme il le dit souvent : « toutes les légendes ne sont pas à connaître car toutes les malédictions ne sont pas à proférer ».

 

Dans ses écrits il annonce les êtres tel un héraut le ferait pour des invités à une célébration, chacun à sa place par ordre d’importance, qui est aussi chronologique. Parfois le monde est ainsi plus empreint de logique et de méthode que ceux qui le peuplent...

 

Une coupe d’eau douce abîmée en un océan d’eau salée...

 

Une fois diluée, une légende est bien souvent amplifiée. Celle-ci fut versée pour être mélangée à toutes les autres histoires humaines et ensuite réanimée par une épée au nom trop célèbre, qui termina son mouvement trop brutal, finalement enfichée dans un récif, déçue d’avoir trop attendu de rejoindre son porteur... Dès lors son histoire fut connu de tous.

 

La légende qui nous occupe ici est d’une façon assez exceptionnelle, encore dans sa coupe. Elle est d’une eau si lourde par rapport à celle de l’océan primordial qu’elle est restée là, au fond de cet univers mouvant, quelque peu préservée dans son intégrité première.

Elle se dissimule dans différents récits tout de même, parce que son parfum fut transporté par de nombreux courants jusqu’aux rivages de galets qui forment les bords du monde aujourd’hui.

C’est sur le tard que le règne d’Arthur montre les faiblesses de cet illustre Roi. Il est pêcheur malgré lui, il est entre deux mondes et en face d’un troisième, il ne peut finalement vaincre sa propre légende ni son propre reflet…

 

Mordred et Arthur s’entretuent donc sur la bosse penchée du mont Badon durant l’avant dernière décennie du siècle et, cette double défaite sonne la fin des guerres fratricides entre Bretons mais hélas aussi l’oraison funèbre d’un règne qui reste le plus long de l’histoire de la Bretagne.

 

Le pays se délite ensuite pendant plus de vingt ans et enfin un espoir renaît, une jeune femme déploie son aura et retire, comme son antécédent, l’épée du rocher. La suite est d’ores et déjà écrite dans les chansons et récits qui racontent Les Noces de Glace et de Feu…

 

Contexte choisi :

 

Dans la version ici retenue, Arthur vécut donc presque un siècle puis mourut autour de l’an 490 durant la dernière et la plus sanglante bataille de son règne.

Ce fut une guerre civile contractée en un seul lieu, une seule vallée, à la fin emplie de larmes et de sang. Ses cadavres et vestiges furent emportés vers la mer par un flot immense de peine et de douleur…

Environ cinq lustres plus tard, une jeune femme réussit pour la première fois après Arthur, à ceindre l’épée sacrée qui fut autrefois sienne.

 

Elle passe pour être sa petite fille, mais tous se demandent quand le seul enfant qui lui est connu aurait eu le temps de lui-même engendrer une descendance. Ce mystère reste entier même si plusieurs pistes se sont fait jour et germent ici et là en rumeurs plus ou moins bienveillantes…

 

Comme l’épée les avait divisés quand ils ne savaient comment s’en emparer, les guerriers et chevaliers de Bretagne s’assemblent alors au porche des lèvres de la jeune femme. Elle scande haut et fort et de sa bouche coule cette parole qui emplit toutes les coupes, cette foi qui rassemble inexorablement tous les hommes.  

 

Comme on pouvait s’y attendre, l’élixir proposé n’est pas du goût de tout le monde et certains veulent prendre la fille et non la suivre. Elle les abat alors les uns après les autres, rend à merci même les plus violents, même les plus habiles… Le sang parle en elle comme l’épée tournoie dans sa main : impitoyablement.

 

Ceux qui avaient écouté ou accepté leur sort fixé par l’épée entre ses mains avant même qu’elle ne fasse entendre sa voix, relèvent les autres et pansent leurs plaies puis leur offrent à boire. Il apparaît alors évident que tous doivent suivre la jeune Elyr-Ann, fille de Mordred, petite fille d’Arthur et de Morgane, donc deux fois Pendragon et sans doute d’une lignée prestigieuse par sa mère aussi. Ce secret-là est quant à lui déjà perdu dans l’océan du début de notre récit...

 

Bien évidemment, avec tout à reconstruire et tout à refaire, tout doit à nouveau être écrit. Les fidèles de la première heure ont beau être fervents, il y en a d’autres à convaincre ou à soumettre pour renouer les liens qui ont été rompus. La trame est usée mais réparable.

 

Tous doivent participer pour rendre cela possible, chacun à sa hauteur, chacune selon son pouvoir, tous par amour de la Bretagne.

  La suite se passe en musique et en chansons. Pour unifier la Bretagne ou simplement par amour, Elyr Ann épouse Gareth Orkney McLeod. Leurs Noces de Glace et de Feu chamboulent la Bretagne et mettent tout un chacun devant un choix définitif.

Ceux qui à l’image des deux couronnés disent encore oui au rêve Arthurien, rallient ce nouveau couple Royal. Les autres, bien que peu nombreux posent un problème plus vaste que celui de leur simple refus.

bottom of page